
Extrait du Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord, Tome CXXVII, Année 2000, 1ère livraison.
Le 30 avril 1774, Louis IX, landgrave régnant de Hesse-Darmstadt, perdait sa première épouse, la spirituelle Caroline, comtesse de Deux-Pont-Birkenfield. Surnommée « la Grande Landgravine », elle s’était faite l’amie de Goethe, Herder ou encore Grimm.

Le Landgrave eut neuf enfants de ce brillant mariage, dont le futur Louis I, grand-duc de Hesse et du Rhin. En 1774, des alliances ont déjà été scellées avec la Prusse et la Russie.
L’année suivante, le Landgrave, âgé de 57 ans, adoucissait son veuvage avec une jeune aventurière française, Marie-Adélaïde Cheyrouze.
En novembre 1775, il l’épouse « de la main gauche » à Ems et la titre « comtesse Von Lemberg »[ref]L’Allemagne dynastique, t. 1, p.148. Marie-Adélaïde Cheyrouze serait née à Paris ou à Rueil en 1752, fille de Jean-Baptiste et de Marie Aurenne. Elle était de confession catholique. La famille Cheyrouze était originaire de Dienne (canton de Murat, Cantal). Il semble qu’elle soit arrivée à Paris entre 1740 et 1750.[/ref]. C’est sous ce lien de mariage qu’est née Marguerite- Elisabeth, appelée « princesse de Hesse-Darmstadt ».
De minutieuses recherches effectuées par les auteurs de L’Allemagne dynastique ont permis d’éclaircir la personnalité de Marie-Adélaïde Cheyrouze et les circonstances de la naissance de Marguerite-Elisabeth.
Le récit des péripéties de Marie-Adélaïde Cheyrouze a été livré en épisodes dans les différentes additions et corrections au tome 1 de L’Allemagne dynastique[ref]L’Allemagne dynastique, t. I, p.156 ; t. Il, pp. 622-624, T. III, pp. 579-581, t. VI, pp. 266-268[/ref]. Nous en tenterons un bref résumé.
Avant son arrivée à Bad Ems, le 19 octobre 1775, Marie-Adélaïde Cheyrouze vivait à Paris, sous le nom de Madame de Provency, « rue Comtesse d’Artois vis à vis rue Mon Conseil ». « C’est là qu’elle fut présentée au Landgrave par l’entremetteur Vaultrein connu également sous le nom de « Blin »[ref]L’Allemagne dynastique, t. VI, p.267[/ref].
Le contrat de mariage de Marie-Adélaïde Cheyrouze en date du 23 août 1775 indique qu’elle était native de Paris. C’est dans ce même contrat de mariage que le landgrave lui attribue pour la première fois le titre de comtesse Von Lernberg[ref]L’Allemagne dynastique, t. I, p.156, note 28c et 29[/ref]. Ce n’est que deux ans plus tard, le 10 décembre 1777, que le landgrave Louis IX présenta à l’empereur une demande de diplôme d’anoblissement au rang de comtesse d’Empire. Cet anoblissement ne fut jamais effectif.
En effet, l’épouse morganatique du landgrave va brutalement quitter la cour le 23 janvier 1778. Le landgrave fait état, dans une lettre du 3 février suivant, d' »une maladie languissante » que La Cheyrouze avait évoquée pour se rendre à Paris… non sans avoir emporté quelque 30.000 écus de diamants. Ce départ donne lieu à une enquête immédiate (protocole du 26 janvier 1778) :
« J’apprends aujourd’hui avec la plus grand étonnement que cette maladie n’avait d’autre objet qu’une grossesse qu’on m’a soigneusement cachée jusqu’à présent, tandis que je puis assurer sur mon honneur de n’avoir pas cohabité avec ladite femme depuis plus de 18 mois, et que suivant les informations juridiques que je viens de faire prendre cette grossesse ne saurait être attribuée qu’à un commerce des plus criminels qu’elle a eu avec le dit Cappes »[ref]Archives du ministère des Affaires étrangères. Correspondance politique Hesse-Darmstadt. T. 1 1748-1795. Cité dans L’Allemagne dynastique, t. Il, p. 624.[/ref].
Le conseiller Jean-Daniel Cappes, l’homme de confiance du vieux Landgrave devenu l’amant de Marie-Adélaïde, est démis de ses fonctions, déchu de ses biens et expulsé du pays »[ref]L’Allemagne dynastique, t. III, p. 580, et Bach (Adolph), Aus Rheinischem Lebensraum, Verlag Gesellsdaft für Buchdruckerei, A.G. Meuss, 1968, pp. 258-260[/ref].
Les deux amants s’installent à Rueil pour quelques mois. Le 22 avril 1778 y est baptisé un premier enfant (qui n’est pas la future Mme Labrousse de Beauregard) prénommée « Adélaïde Antoinette » fille de « Pierre Daniel et de Marie-Adélaïde Cheyrouze »[ref]Archives municipales de Rueil-Malmaison.[/ref].
En juillet 1778. le couple Cappes-Cheyrouse se trouve à Strasbourg puis en août à Schiltigheim. Une mystérieuse raison conduit Marie-Adélaïde à regagner imprudemment l’Allemagne. Elle est arrêtée à Zweibrücken le 23 août 1778 et elle est conduite à la forteresse de Marxburg. Elle s’en échappera pourtant le 23 avril suivant avec l’aide d’un soldat de la garnison[ref]L’Allemagne dynastique, t. III, p. 580.[/ref].
Les retrouvailles avec Cappes sont de courte durée. Moins d’un an après, Marie-Adélaïde Cheyrouze convolera avec le chevalier de Plunkett[ref]Marie Adélaïde Cheyrouze s’est remariée à Schiltigheim, le 28 mars 1780, avec Charles-François-Alexandre, chevalier de Plunkett, baron d’Ouzanie[ref]A.D. Bas-Rhin 6 E 41/177[/ref]. De cette union sont nés deux enfants Louis, né le 22 novembre 1781 à Shiltigheim, décédé sans postérité à Angoulême et Adélaïde-Antoinette, née le 3 septembre 1783 à Paris, mariée le 30 mars 1808 à Sélestat avec Jean-Baptiste Perrot, décédé à Verdun le 5 février 1829.[/ref].
Venons précisément à la naissance de Marguerite-Elisabeth.
Pendant l’incarcération de La Cheyrouze à Marxburg le bruit d’une seconde grossesse s’était répandu à Pirmasens. « Quant à ce second enfant, il s’agit très probablement de Marguerite Elisabeth Labrousse de Beauregard qui se déclarait princesse de Hesse-Darmstadt, ce qu’elle n’aurait pu faire si elle était née du 2e mariage de sa mère avec le chevalier de Plunkett (28 mars 1780) »[ref]L’Allemagne dynastique, t. III, p. 580.[/ref].
Aux archives de Darmstadt, aucun document ne permet de situer le lieu, ni la date exacte de naissance de Marguerite-Elisabeth. Une naissance à Pirmasens, ce qui est indiquée dans son acte de décès, paraît improbable selon les auteurs de L’Allemagne dynastique.
Conçue avant l’arrestation du 23 août 1778, Marguerite-Elisabeth ne semble pas être née à Marxburg puisque rien la concernant n’est consigné dans le registre des archives de la forteresse[ref]L’Allemagne dynastique, t. III, p. 581.[/ref].
Le professeur Franz, directeur des Archives de Darmstadt, émet l’hypothèse selon laquelle les émotions et les fatigues occasionnées par l’évasion de Marie-Adélaïde Cheyrouze auraient un peu précipité l’accouchement qui aurait eu lieu sur la route qui la menait de Trèves à Strasbourg. La naissance aurait eu lieu fin avril ou début mai 1779[ref]L’Allemagne dynastique, t. III, p. 581.[/ref].
Le landgrave retrouvera en 1784 de manière inattendue Marie-Adélaïde Cheyrouze à Limburg « débarquant de Diez flanquée d’une servante et d’un enfant » (probablement Marguerite-Elisabeth). Moins d’un an plus tard, en date du 10 août 1785, Louis IX notera dans son journal la mort de « Madame Cheyrouze »[ref]L’Allemagne dynastique, p. 267.[/ref]. Marguerite-Elisabeth est alors âgée de six ans.
Le prince s’éteint, lui, le 6 avril 1790 dans sa résidence de Pirmasens.
Francis A. Boddart